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Les cartes

Avant de partir, il est bon de se pencher sur les cartes. Au début, on explore le planisphère accroché au mur, on y repère des parties du monde, des bouts de terre que l’on aimerait fouler. Puis, une fois jeté son dévolu sur un continent, un littoral voire un pays, il est intéressant de porter son attention sur sa géographie. Ausculter la topographie, les courbes de niveau, éléments qui ont leur importance lorsque l’on se lance sur les routes au guidon d’une bicyclette.

On dit que préparer son voyage, c’est déjà avoir un pied dedans. Étudier les cartes, c’est s'imprégner de sa future itinérance. Lorsque le soir, à la seule lueur de ma lampe, je m’assois à mon bureau et déplie le plan au 1/500 000 devant moi, je me sens comme le marin qui s’installe à sa table à cartes. Le halo de la loupiote éclaire les taches grises ou vertes qui représentent reliefs ou territoires boisés, les taches blanches marquent les plaines. Suivre du doigt les lignes rouges, préférer les jaunes qui matérialisent de plus petites voies carrossables. Se reporter à la légende, additionner les kilomètres, visualiser la pause pour le bivouac.

Enfant, je m’étais mis dans la tête de faire le tour de la France à vélo. Comme quoi, les rêves croissent avec l’âge. J’avais donc ouvert mon atlas, celui-là même que je cite au début du livre À vélo du Pacifique au Mont-Blanc, et, suivant scrupuleusement les routes les plus proches des frontières géographiques de l’Hexagone, avait établi un road book détaillé. On y trouvait pour chaque jour, les noms des villes à traverser, le nombre de kilomètres, une place pour l'étape. Tout cela transcrit avec l’âme d’un gamin, avec des yeux émerveillés d’un gosse qui s’imagine rouler au bord de la mer, planter sa tente sur la berge d’une rivière comme l’aurait fait Tom Sawyer. J’ai de ce jour des souvenirs très précis, et je ressens les mêmes émotions dorénavant devant mes cartes.

Je viens de terminer la lecture de De mémoire indienne – la vie d’un Sioux voyant et guérisseur – Tahca Ushte et Richard Erdoes. J'ai ainsi plongé mon esprit dans les montagnes du Dakota et dans le monde des Lakotas, dont l’un des clans, les Hunkpapas, s’est illustré au côté de leur chef Sitting Bull lors de la fameuse bataille de Little Big Horn contre Custer. Hunkpapas, un nom qui évoque une partie de ma vie, c’est, en effet, le nom du groupe au sein duquel je fus musicien pendant de longues années. Voilà pourquoi, ces soirs, j’étudie les cartes du Dakota. Mais j’ai pour l’instant délaissé le papier pour le numérique. De nouvelles cartes ont vu le jour. Des mappemondes virtuelles, celles que l’on consulte à coups de zooms, de clics, de street view. Je joue de la souris et me téléporte à travers l’écran de mon ordinateur entre les plaines et collines du Midwest. Je me déplace dans les rues de Rapid City, m’imagine traversant le village d’Iroquois, me vois déjà camper sur les rives du lac Huron. J’irai rouler dans les Black Hills, m’asseoir sur une pierre et griffonner quelques mots dans mon carnet à Standing Rock, où vivent désormais les Hunkpapas. Et pourquoi pas boire un verre dans un saloon de Deadwood où le célèbre Wild Bill Hickok, compagnon de route de Buffalo Bill et Calamity Jane, fut lâchement descendu lors d’une partie de poker. Ça commence à me plaire ce voyage, ça sent la poudre et la poussière, ça sent le Far West et les westerns qui ont bercé toute ma jeunesse.

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