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Carnet de voyage 1

Carnet de voyage :


Je livre ici des pages tirées de mes nombreux carnets de routes. Des calepins à petits carreaux en papier recyclé remplis de notes et d’anecdotes. Des pensées, des poèmes, des esquisses de voyage prises sur le vif.

Raphaël Favrat

Rencontre aborigène


Quel âge avait-elle ?

L’âge de la connaissance.

L’âge de la sagesse.

L’âge des illusions perdues.


Approximativement entre cinquante et cent ans.



Cheveux blancs.

Yeux humides et délavés.

Corps fatigué.

Traits fanés.


Traits d’union entre présent et passé.



— Approche-toi, m’avait-elle dit en agitant le bras.

— Assieds-toi là, en face de moi.

— D’où viens-tu ? Que fais-tu ici ?


Invitation à confidences.



Mon flacon renfermait du thé ; le sien : du vin.

Nous trinquâmes au bush.

Il faisait plus de quarante degrés.


Bavarder et boire un verre au milieu du désert.



Rencontre humaine.

Humilité, sobriété.


Rencontre fraternelle.

Respect, simplicité.


Nous parlions le même langage.

La langue universelle des Hommes.

Celle du cœur et de la sincérité.


Écouter, rire, parler… philosopher ?



Les kangourous, la chasse, la peinture…

Nous devisions de tout, enfin de tout ce qui importait ici.

Le passé ? Non, surtout le présent.

L’avenir ? Jamais évoqué.


Mots aux parfums de mélancolie.



Dans le soleil bas, une bagnole perça l’horizon.

Elle brillait comme un vaisseau.

Son moteur déchira le silence.


Ligne droite infinie.



Au volant de la caisse déglinguée : sa nièce.

Elle s’en revenait des courses, à l’épicerie la plus proche.

À plus de cent bornes.


Rendez-vous au milieu de nulle part



Elles décampèrent, me laissant là, avec le clair de lune.

Elles s’en allaient retrouver leur famille, là-bas.


Moi, là-bas je ne voyais rien.

Que du sable à perte de vue.

Du vide à en perdre la raison.



« Souviens-toi que c’est moi qui t’ai appelé pour parler.

Dis-leur aux Blancs que c’est moi qui ai fait le premier pas… »

M’avait-elle glissé en partant.


Comme un mirage, la guimbarde s’évanouit dans le néant.


Installé pour la nuit, une toile comme abris.

Je les entendais hurler tout près de moi : les dingos.

La vieille Aborigène m'avait pourtant prévenu : « Ne dors pas ici, cette nuit ».


Juin 2004 — Territoire du Nord - Australie

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