carnet de voyage 2
Carnet de voyage :
Je livre ici des pages tirées de mes nombreux carnets de routes. Des calepins à petits carreaux en papier recyclé remplis de notes et d’anecdotes. Des pensées, des poèmes, des esquisses de voyage prises sur le vif.
ROULER POUR LA PAIX
Treize
Douze hommes et une femme
Treize messagers pacifistes
Treize Cinghalais à rouler pour la paix.
Tout comme moi, ils arpentaient les routes d’Asie à bicyclette
Je pédalais pour m’enivrer de liberté
Ils pédalaient pour la Liberté
Liberté de penser, de dire, de vivre.
Tout là-haut, dans un village du Nord Laos
Paumés dans un coin d’oubli
À palabrer à la lueur des bougies
Nous nous sommes liés d’amitié.
Et ils me racontèrent
la guerre, le terrorisme, la peur
Avec des voix douces, pleines de clémence
Ils commentaient des clichés empreints de violence.
Les tirages couleur ressemblaient aux images d’un treize heures
Le sang, les débris, la terreur…
L’image sans le son du poste cathodique
Pour une analyse bien plus objective, plus profonde, plus intime.
De confessions diverses
Ils parlaient d’une seule voix
Des croyances en différents dieux, mais une foi unique
La foi en l’amour et la paix.
Ils roulaient pour cette paix
Égrenaient les kilomètres à la force des mollets
Pour dans chaque ville, chaque contrée, expliquer
Expliquer la situation de leur île, de leur vie.
Un tour d’Asie pour ouvrir les esprits
Pour que l’on sache que ça ne sert à rien
Que les conflits ne changent rien
Qu’une guerre ne laisse que des pleurs.
Et ils savaient de quoi ils parlaient, mes amis cinghalais
L’un me montra ses blessures par balle
Un autre avait perdu un proche
Un autre encore, toute sa famille.
Chacun des treize avait été frappé
Touché en plein cœur
Des vies à tout jamais lacérées par des griffes acérées
Les griffes du démon, le côté obscur de l’Homme.
La seule femme du groupe me proposa un thé
Histoire de partager une douceur de Ceylan
Lipton… ?
« Ben quoi ? Il vient du Sri Lanka ! ».
Avec eux, j’apprenais la Vie
On parlait, on s’écoutait, on riait.
Bien que je me sentis tout petit
Avec eux, je grandissais.
Tard dans la nuit
Avant de souffler les bougies
On s’étreignit, se serra la main
L’aîné des treize
Glissa dans ma paume son rosaire
Il m’offrait sa protection divine
Don du ciel, don d’un homme au grand cœur
Refermant mes doigts sur les perles de bois
Il m’enlaça, me serra fort dans ses bras.
La nuit fut belle
Même si ce soir là je ne trouvai pas le sommeil
Je me sentis en paix.
- Frontière Laos / Chine -
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