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Ontario, autour d'un lac

Fatigués, tel est notre état d'esprit du moment. Fatigués par la route, le voyage, les voitures et puis surtout par une mésaventure. Notre hâte : changer d'air, changer de pays. Passer cette frontière, cette ligne imaginée par les hommes pour changer d'univers. Passer cette ligne entraîne le voyageur dans un nouveau monde, dans un nouveau voyage. C'est tout laisser derrière soi pour ouvrir à nouveau les yeux, se laisser porter par de nouveaux flux. « Nouveau », voilà donc le mot qui brille par son absence en ces instants sombres. Passer la ligne, c'est se charger d'une nouvelle énergie.  

Cependant, bien que la grisaille ait empiété sur notre enthousiasme, nous ne jetons pas aux oubliettes les souvenirs fastes de cette traversée. Une seule personne malhonnête ne peut anéantir l’aménité de bien d'autres êtres attentionnés. Et puis, la roue tourne, n'est-ce pas ? « Si un jour quelqu'un te fait du mal, ne cherche pas à te venger, assieds toi au bord de la rivière, et bientôt tu verras son cadavre passer » dit le sage Lao Tseu. Laissons donc derrière nous la poussière pour que scintillent les beaux jours.

Au milieu d’un pont d'Ottawa, une frontière invisible vous propulse en Ontario. Le premier signe de ce changement vous chatouille l'ouïe. Votre cerveau doit désormais traduire toute conversation. L'Ontario est anglophone. Savoyards quelque peu réfractaires à l'apprentissage des langues étrangères, nous passons notre dernière nuit à Gatineau, la rive francophone de la capitale canadienne. Nous ne savons pas alors qu'il nous faudra y revenir dans une dizaine de jours.

En Ontario, nous roulons sur les pistes de la transcanadienne. Loin du trafic, isolés entre marais et zones boisées. Lorsque nous parlons de bivouac, on nous raconte des histoires de coyotes et d'ours. Ce sont pourtant les taons qui auront notre peau. Des nuages de kamikazes qui viennent vaillamment s’écraser sur notre chair. 

Nous fuyons les routes, domaine réservé au genre automobiliste. Peu partageur, il s’excite sur son klaxon lorsqu'il aperçoit un cycliste, comme le chien entre en furie lorsqu'il voit les mollets d'un facteur. « Share the road » proclame pourtant le gouvernement canadien à la télévision. Mais les pilotes du dimanche font la sourde oreille. Tels des roquets, ils baissent leur vitre pour nous gueuler dessus et s'empressent vite de la remonter quand l’ours mal léché que je suis leur envoie une bordée à la capitaine Haddock. Bien vite, les pleutres écrasent l'accélérateur quand je leur fais signe de s'arrêter et les invite du poing à une petite discussion entre gentlemens. La route autour du lac Ontario n'est pourtant pas si désagréable. Lorsque l'on sort de la forêt, on flâne au comté du prince Edward. Tout y est « so british », du cottage et ses jardins taillés à la faucille aux bâtiments sinistres de briques rouges de la banlieue de Manchester. On serpente sur la route des Loyalistes, ces Américains restés fidèles à la couronne d’Angleterre lors de la guerre d'indépendance. Et puis, entre quelques stations balnéaires, on traverse des territoires autochtones. Terres indiennes parsemées de stations service. Le pays s'y rue pour y faire le plein d'essence et de cigarettes. Zones détaxées, les fermiers y cultivent l'herbe du calumet de la paix. La marijuana pousse comme le blé. Les échoppes fleurissent comme des feuilles de cannabis. Quel grand chef visionnaire a donc eu cette idée folle de négocier lors du traité de paix la détaxe de l'essence, des cigarettes et la culture du cannabis ? Je mettrais bien cela sur le compte de Crazy Horse. Et puis, un matin, alors qu'il ne nous restait que 4 jours pour parvenir aux portes des USA, nous avons fait demi-tour. 390 bornes de vélo en 4 jours pour régler une affaire personnelle. Retour sur Ottawa. Nous serons reçus dans une maison vide de ses propriétaires. - La clé de la maison est cachée là. Installez-vous et séjournez le temps que vous voulez, nous serons de retour dans une semaine. Prêter sa maison à des inconnus, des vagabonds à vélo ! jamais vus, nous n'avons échangé qu'un seul courriel. Leçon de confiance et de partage. Encore 400 kilomètres de bus en deux jours avant de retrouver nos vélos. Reprendre la route, la même route. Rien de bon pour le moral. La pluie qui s'en mêle. Des soucis… Voilà pourquoi cet article porte en lui le signe de la négativité. Les chutes du Niagara devraient laver le ciel ombragé qui plane sur notre voyage.

Le Canada nous a offert de belles rencontres. Beaucoup de personnes ont pris soin de nous. Nous ne les oublions pas et ils ont largement contribué à nous faire aimer leur pays ou leur belle province du Québec. Un seul bémol toutefois. Je pensais rencontrer au Canada, des bûcherons habillés d'une chemise à carreaux. Des gaillards barbus sentant la sève. Le seul spécimen barbu au parfum de caribou issu de mon imagination qu’il m'ait été donné de rencontrer fut celui de mon reflet dans le miroir de mon rétroviseur.

J’écris rapidement sur une tablette sans trop relire, il se peut donc qu'il manque des mots, des accents ou que des coquilles se glissent dans les textes.

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